Transition énergétique : quel avenir pour les énergies alternatives au diesel ?

    Le 17 mai 2017, le GART associé à l’AMF et AGIR, ont organisé une journée d’information sur le thème des « Véhicules à faibles émissions : quelle stratégie d’acquisition ? » Ayant réuni une soixantaine de participants et cinq experts du domaine, le but de cette journée était de réaliser un état des lieux des technologies alternatives au diesel – gaz, hybride, électrique, éthanol, biodiesel… ‐ afin d’aider les collectivités à mieux appréhender les stratégies d’investissement, à court et moyen termes, de véhicules répondant au décret n°2017‐23 du 11 janvier 2017 pris pour l’application de l’article L.224‐8 du code de l’environnement définissant les critères caractérisant les autobus et autocars à faibles émissions.

    Pour mémoire, ce décret impose le renouvellement des flottes de bus et de car à hauteur de 50% à partir de 2020 et de 100% à partir de 2025 (cf. tableau suivant).

    Renouvellement des bus et des cars à horizon 2020-2025

    Groupe 1 : véhicules dont la motorisation est électrique, y compris les véhicules alimentés par une pile à combustible à hydrogène, ou utilise un carburant gazeux si une fraction du gaz consommé est d’origine renouvelable. Cette fraction de gaz renouvelable est au minimum de 20% à partir du 1er janvier 2020 et de 30% à partir du 1er janvier 2025.
    Groupe 2 : véhicules dont la motorisation est électrique‐hybride ou utilise un carburant gazeux ou les véhicules dont les moteurs sont conçus pour ne fonctionner qu’avec des carburants très majoritairement d’origine renouvelable.
    Exception : les véhicules dont la motorisation électrique‐hybride peut fonctionner en tout électrique sur un itinéraire décrit dans l’art. D. 224‐15‐3. –I. seront alors considérés du Groupe 1.
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    Pour mieux comprendre les enjeux de ce décret, il faut tenir compte du prix d’achat d’un bus qui s’établit comme suit : si le diesel est le prix de base, il faut compter actuellement 20 % supplémentaire pour une motorisation au gaz, 50 % supplémentaire pour une motorisation hybride et 100 % supplémentaire pour une motorisation électrique. Concernant l’hydrogène, il faut tabler sur un prix estimatif de 800 000 euros à 1 million d’euros.

    Les bus à motorisation au gaz GNV (Groupe 2) ou au biogaz (Groupe 1) restent une valeur sûre. Les réseaux qui roulent déjà au gaz n’ont plus qu’à acheter un certificat biogaz à leur fournisseur. Ils peuvent aussi s’inscrire dans une stratégie plus globale de la ville en produisant une partie de ce biogaz via leur station d’épuration et le recyclage d’autres déchets. Si ces collectivités convertissent leurs bennes à ordures ménagères (BOM) et les véhicules de services, l’amortissement des infrastructures de recharge sera optimisé. Pour ces technologies, la sécurité des dépôts, des stations de remplissage ainsi que leur construction est totalement maîtrisée (environ 1 million d’euros pour un parc de 25 bus).

    La technologie hydrogène est encore très éloignée d’un processus industriel viable (seuil nécessaire de production : 300 bus/an). En effet, l’hydrogène est actuellement produit en craquant du CH4 (GNV), ce qui n’est pas une méthode « durable ». Le stockage de l’hydrogène en un même lieu ne peut pas dépasser une tonne : l’équivalent d’une consommation de 15 bus par jour avec une journée de réserve, seuil de basculement en site SEVESO. Le prix du kilo d’hydrogène devra baisser de 15€/kg à 6€/kg afin d’obtenir une équivalence de coût avec le diesel.

    Pour les bus à motorisation utilisant des énergies renouvelables dont le HVO (biodiesel) et l’éthanol ed95 (Groupe 2), la question qui se pose est celle de la pérennité des filières de production qui peuvent être locales. Le biodiesel a l’avantage de se substituer au gazole sans modifications importantes du moteur.

    En ce qui concerne la motorisation hybride électrique (Groupe 2), technologie mature, cette dernière devient pertinente dans le cas de l’utilisation précisée dans le décret, c’est‐à‐dire en permettant à la technologie dite « série » d’avoir une autonomie en tout électrique d’environ dix kilomètres. Cela permet de parcourir, en tout électrique, la zone à circulation restreinte d’une ville moyenne et ainsi être considéré comme motorisation du Groupe 1.

    Pour les bus à motorisation électrique, il y a deux niveaux de maturité. Les constructeurs maitrisent la technologie qui elle‐même est issue de l’hybride pour la chaîne de traction. Concernant les batteries, les fournisseurs estiment que l’autonomie devrait doubler d’ici deux ans et ensuite que le prix sera divisé par deux (la batterie représente 40% du prix du véhicule actuellement). Cela devrait permettre d’intégrer le chauffage et la climatisation. En ce qui concerne la recharge en dépôt, il reste une inconnue de taille qui est celle de la supervision des chargeurs pour optimiser la puissance nécessaire à la charge d’une flotte de véhicule. Pour la recharge en ligne dite « opportuniste », plusieurs technologies sont en cours de standardisation pour limiter le risque de se retrouver bloqué avec un système propriétaire (pantographe normal ou inversé, bras articulé, induction). Les modes de charge vont influer sur le volume de batteries embarquées et donc sur la consommation (environ 1 à 1,5 kw/km) et la capacité en nombre de voyageurs.

    Pour pouvoir répondre aux appels d’offres, les constructeurs se sont structurés et ont recruté du personnel spécialisé dans l’analyse de réseau permettant ainsi de personnaliser et d’optimiser la définition du bus. Une initiative importante et ce, afin de garantir l’intégration du bus au sein des réseaux pendant toute leur durée de vie (14 ans environ).

    Ce qu’il faut retenir :

    • la mixité énergétique reste possible à l’échelle d’une métropole pour diluer le risque technologique mais elle sera complexe à mettre en œuvre à l’échelle d’une ville moyenne ;
    • les constructeurs sont prêts à lancer des productions et à monter en cadence progressivement ;
    • les constructeurs se sont structurés pour optimiser les définitions du couple chaîne de traction/batteries les mieux adaptées à chaque territoire et aux modes de recharge ;
    • il reste des questions en suspens impactant les coûts d’investissement et d’exploitation que nous pouvons considérer commun aux diverses motorisations : quelle fiscalité pour ces énergies alternatives au diesel ? Comment prendre en compte la problématique des gaz à effet de serre comme le CO2, talon d’Achille de certaines énergies renouvelables ? Quid des normes de sécurité imposées par les services de secours ?
    07 juin 2017 – Crédit : Bruno Mazodier