En tant qu’usager d’un service public2 administratif3, l’élève utilisant le service de transport scolaire se trouve dans une situation légale et réglementaire4. Ils sont ainsi soumis au respect du règlement de transport scolaire adopté par l’autorité organisatrice (AO) compétente.
Dans une décision de 20085, le Conseil d’État a jugé que lorsque la réglementation d’une activité ne relève pas de l’article 34 de la Constitution, le pouvoir réglementaire compétent peut édicter des sanctions administratives. Dès lors, un règlement de transports scolaires, adopté régulièrement par délibération de l’AO peut donc prévoir un régime de sanctions à l’égard de ces usagers, tel que l’exclusion temporaire ou définitive des élèves en cas de mauvais comportement.
Néanmoins, si une autorité publique est en droit d’édicter des sanctions administratives à l’égard de ces usagers, le prononcé d’une telle décision doit toutefois respecter certaines conditions de fond et de procédure.
Les règles de fond : légalité et proportionnalité
La sanction doit être prévue par un règlement
Une sanction ne peut être infligée que si elle est expressément prévue par un texte. Ce principe découle de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC)6, qui impose la légalité des délits et des peines. Le règlement de transport scolaire doit donc préciser :
- les obligations des élèves ;
- les comportements répréhensibles ;
- les sanctions applicables.
La Cour administrative d’appel de Nantes, dans une décision du 19 octobre 20187, a ainsi annulé une exclusion définitive d’un élève, car cette sanction n’était pas inscrite dans le règlement.
Une sanction proportionnée à la faute
La sévérité de la sanction doit obligatoirement correspondre à la gravité du comportement. Ce principe de proportionnalité, également issu de l’article 8 de la DDHC, est systématiquement contrôlé par le juge administratif, comme l’illustre une décision du Conseil d’État de 20128.
Les règles procédurales : transparence et contradictoire
Avant d’exclure un élève, l’autorité compétente doit respecter une procédure contradictoire. L’article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l’administration impose de motiver toute décision individuelle défavorable et de permettre à l’intéressé d’exposer ses arguments9. Les sanctions adressées à un administré doivent ainsi être soumises au respect préalable d’une procédure contradictoire. Cette règle inclut :
- la communication des faits reprochés10 ;
- la consultation du dossier10 ;
- et la possibilité pour l’élève et son représentant légal de présenter des observations écrites ou orales (CE, 26 mars 1982)11.
Cela permet en somme de garantir le contrôle de la proportionnalité de la sanction aux faits commis, en permettant à la personne sanctionnée de connaître les éléments fondant la décision de sanction prise par l’Administration.
La Cour administrative d’appel de Nantes (2018)6, ainsi que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (2022) ont considéré que le non de respect de cette procédure peut entraîner l’annulation de la décision d’exclusion12.
Les bonnes pratiques à adopter
Pour éviter toute contestation, le règlement de transport scolaire doit mentionner explicitement :
- les comportements sanctionnables ;
- les sanctions applicables ;
- la procédure contradictoire, par exemple : « en cas de comportement inapproprié, l’élève, accompagné de son représentant légal, sera invité à présenter ses observations avant toute décision. »
Conclusion
L’exclusion d’un élève des transports scolaires est juridiquement possible à condition qu’elle respecte les principes de légalité, de proportionnalité et de procédure contradictoire. Une décision non motivée ou prise sans permettre à l’élève de se défendre s’expose à une annulation du juge administratif. Les autorités organisatrices doivent donc agir avec prudence et rigueur pour garantir la légitimité de leurs décisions.
Sources
- Article L. 1231-1-1 du Code des transports : les AOM sont compétentes pour organiser ces services sur leur territoire. Néanmoins, les AOM peuvent déléguer cette mission à des régions, départements ou communes, conformément à l’article L. 1111-8 du Code général des collectivités territoriales.
- Article L. 3111-7 du Code des transports : les transports scolaires sont des services publics administratifs réguliers, créés pour assurer à titre principal, à l’intention des élèves, la desserte des établissements d’enseignement.
- Décision du Tribunal des conflits, T. confl., 23 juin 2003, C 3360, sté Gan Euro courtage : le service de transports scolaires constitue un service public administratif.
- Décision du Conseil d’État, CE., 3 février 2016, hôpital de Prades, n° 388643 : les usagers d’un service public administratif se trouvent dans une situation légale et réglementaire vis-à-vis de ce service et non dans une situation contractuelle.
- Décision du Conseil d’État, CE, sect., 18 juillet 2008, Fédération de l’hospitalisation privée, n° 300304 : compétence du pouvoir réglementaire pour édicter des sanctions administratives lorsque l’activité concernée ne relève pas du champ de compétence du législateur en application de l’article 34 de la Constitution.
- Article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »
- Décision de la Cour administrative d’appel de Nantes, 19 octobre 2018, n° 17NT02826 : une exclusion définitive du transport scolaire doit être inscrite dans le règlement et lorsque l’autorité compétente décide de prendre une sanction sur ce fondement, cette décision doit être motivée.
- Décision du Conseil d’État, CE, 30 mai 2012, Société Vera, n° 351551 : le juge administratif veille à ce que le régime de la sanction, prévu par voie réglementaire, ne soit pas manifestement disproportionné au manquement réprimé.
- Article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) : « les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. À cet effet, doivent être motivées les décisions qui […] infligent une sanction […] ».
- Avis du Conseil d’État, CE, avis, 22 novembre 1995, n° 171045 : avant de prendre la décision de sanction, l’autorité administrative doit préalablement remettre à l’usager un formulaire contenant les informations relatives aux faits reprochés.
- Décision du Conseil d’État, CE, 26 mars 1982, n° 20569 : possibilité pour l’élève et son représentant légal de présenter des observations écrites ou orales.
- Décision du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, 18 octobre 2022, n° 2102819 : la décision d’exclusion temporaire d’un élève, en tant que de sanction au sens du CRPA, doit être précédée d’une procédure contradictoire. Or, dans cette affaire, la décision avait été prononcée sans l’organisation préalable d’une procédure contradictoire. La décision a par conséquent été annulée par le juge.
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